Conférence du désarmement - Intervention de Mme Camille PETIT, Ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de la Conférence du désarmement, relative à la prévention d’une course aux armements dans l’espace (Genève, 30 mars 2023) [en]

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Madame la Présidente,

Ma délégation souscrit à la déclaration de l’Union européenne. Je prononcerai quelques remarques complémentaires à titre national.

L’espace a un impact croissant dans notre vie quotidienne et nos économies. Nos sociétés sont dès lors plus vulnérables aux menaces spatiales.

Or nombre d’actes dans l’espace constituent des comportements irresponsables, compte tenu de leurs effets sur l’environnement spatial et sur la sécurité internationale. Les débris à longue durée de vie menacent ainsi la liberté d’accès et d’utilisation de l’espace, tandis que la perturbation des systèmes spatiaux, les éblouissements, brouillages ou cyberattaques, y compris depuis le sol, peuvent affecter la sécurité des biens et des personnes.

Face à ces menaces, la France demeure attachée à la préservation d’un environnement spatial sûr et au respect du droit international, pleinement applicable aux activités spatiales, notamment les dispositions de la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le traité de l’Espace de 1967.

Madame la présidente,

Pour réduire les risques de malentendus et d’escalade dans l’espace, davantage de transparence et de confiance sont nécessaires.

En matière de transparence, tout d’abord, la France a fait le choix d’une communication publique sur sa politique spatiale ainsi que sur les capacités qu’elle compte développer à l’avenir. Conformément à sa Stratégie spatiale de défense adoptée en 2019, elle prévoit ainsi de développer des capacités de veille stratégique et d’appui aux opérations militaires, d’étendre ses capacités de connaissance de la situation spatiale, pour identifier et caractériser les actes inamicaux ou hostiles, et de développer une capacité défensive dans l’espace pour protéger et défendre ses intérêts spatiaux. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre du droit international, et en premier lieu de la Charte des Nations Unies.

La France salue également la publication le 10 mars dernier de la stratégie spatiale de l’Union européenne pour la sécurité et la défense, qu’elle avait appelée de ses vœux. Elle renforcera le rôle de l’Union européenne comme acteur pertinent dans l’espace extra-atmosphérique au bénéfice de ses citoyens.

S’agissant de la confiance ensuite, le caractère dual des capacités placées en orbite ne permet pas, on le sait, de distinguer les capacités militaires des capacités civiles.

Pour cette raison, la France est convaincue que le moyen le plus concret, pragmatique et opérationnel de renforcer la confiance entre les acteurs consiste à adopter des normes de comportement qui permettent de caractériser des comportements responsables au regard de leurs effets sur la sécurité internationale. A cet égard, la France s’est engagée à ne pas réaliser de tirs de missiles antisatellites par ascension directe, dans le prolongement des travaux lancés par les Etats-Unis. Cet engagement illustre notre volonté de prendre en compte toutes les menaces qui affectent la sécurité et la sûreté spatiales, y compris celles depuis la Terre vers l’espace.

Cette approche fondée sur des normes de comportement responsable présente l’intérêt d’appréhender des technologies évolutives. Elle est aussi compatible avec une approche normative visant à établir des normes juridiquement contraignantes à l’avenir.
C’est pourquoi la France salue les progrès réalisés au sein du groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales à travers des normes, des règles et des principes de comportement responsable.

Les discussions conduites au sein de ce groupe de travail ont permis d’identifier plusieurs types de menaces et des normes de comportement qui permettraient de les réduire de manière significative. Elles tendent aussi à montrer que l’opposition entre mesures à caractère volontaire et normes juridiquement contraignantes n’est pas insurmontable. Des normes non contraignantes peuvent créer de la confiance et donner lieu, ensuite à des instruments juridiquement contraignants, comme le traité sur l’espace extra-atmosphérique. A l’inverse, des instruments juridiquement contraignants peuvent être utilement complétés ou précisés par des normes non contraignantes qui permettent d’encadrer les comportements, comme les lignes directrices développées par le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.

Sur le fond, certaines mesures de transparence et de renforcement de la confiance déjà listées dans le rapport du groupe d’experts gouvernementaux sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales de 2013 demeurent pertinentes et pourraient rapidement être mises en œuvre. Je pense en particulier :
-  au partage d’informations notamment sur les stratégies et lois spatiales nationales ;
-  à la notification du lancement d’objets spatiaux, notamment à travers l’application du code de conduite de La Haye (HCoC) ; et
-  à la création d’une liste de points de contacts nationaux sur la sûreté spatiale et de canaux de communication rapides et directs entre eux.

C’est sur le fondement d’une telle approche pragmatique, progressive et opérationnelle de normes de comportement responsable et de mesures de confiance et de transparence que nous pourrons avancer en veillant à la bonne articulation entre les différents travaux que nous conduisons et en favorisant les synergies.

Je vous remercie./.

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publié le 31/03/2023

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