Conseil de Sécurité - Non-prolifération : "Le constat est amer"

Monsieur le Président,

Au nom de la France, je remercie la présidence éthiopienne du Conseil mais aussi les Etats-Unis et le Secrétaire d’Etat Rex Tillerson pour avoir pris l’initiative de cette réunion à la fois très opportune et ô combien nécessaire. Je remercie également Mme Nakamitsu pour son intervention très éclairante.
Monsieur le Président,

La semaine de haut niveau de l’AGNU aura été rythmée par d’intenses discussions sur les menaces aigües qui pèsent sur notre monde. Notre environnement stratégique, et, à travers lui, tous les fondements de la paix et de la sécurité tels que nous les connaissons, est confronté à des défis majeurs, et notamment dans le domaine de la non-prolifération.

Le constat est amer et il est sans appel.

Avec l’usage barbare d’agents toxiques en Syrie, en Irak, en Asie, nous assistons à la réapparition funeste d’armes qui sèment la peur et la mort auprès des populations, et que nous pensions avoir bannies à jamais.

Je pense aussi aux risques croissants dans la péninsule coréenne qui aura monopolisé nombre de nos discussions cette semaine. La menace s’est désormais élevée à un niveau de plus en plus alarmant et sans précédent et elle nous concerne tous. Loin de revenir à la raison, le régime de Pyongyang poursuit l’escalade militaire et ne cesse de nous donner les preuves de son irresponsabilité, par ses agissements chaque fois plus préoccupants et menaçants.
Au-delà de ces cas inquiétants, nous faisons face à des flux de prolifération de plus en plus complexes, et à des risques accrus de détournement de biens et technologies sensibles, qui sont de plus en plus facilement accessibles.

Enfin, la prolifération n’est plus le monopole d’un seul type d’acteur et le risque de voir des acteurs non-étatiques mettre la main sur des matériels sensibles est désormais une dangereuse réalité.
Face ces défis d’une extrême gravité, seul un multilatéralisme pragmatique et réaliste peut constituer la solution.

Le cas iranien confirme que le volontarisme de la communauté internationale peut ouvrir des solutions aux crises de prolifération. L’accord de Vienne, que la France a activement contribué à construire et améliorer, constitue un jalon historique majeur. Le Président Macron l’a dit, la France y est résolument attachée. Ce serait une erreur de le dénoncer comme il serait irresponsable de poursuivre une mise en œuvre à la carte des dispositions de la résolution qui l’a endossé.

Nous devons certes répondre à l’intensification des activités balistiques de l’Iran, dont certaines sont non conformes à la résolution 2231. Un tel comportement est déstabilisant pour la sécurité régionale et nuit à la confiance mutuelle.

Monsieur le Président,
Pour le dire autrement, il ne peut y avoir d’alternative au régime de non-prolifération. C’est une ligne constante dont la France n’a jamais dévié.
C’est particulièrement vrai sur le volet chimique syrien, où les responsables de la tragédie du 4 avril et tant d’autres attaques devront rendre des comptes.

Cela vaut aussi pour la crise en cours dans la péninsule coréenne, à laquelle nous devons répondre avec fermeté et unité. La seule issue à la crise est de tracer la voie d’une solution négociée. Alors que la Corée du Nord refuse cette perspective et fait le choix d’un dangereux isolement, seule la fermeté peut nous doter du levier recherché pour amener le régime à la table des négociations.

Monsieur le Président,

L’action collective pour contenir la prolifération passe par le dialogue et la discussion directe sur les crises. Mais elle passe aussi par l’action, une action concrète et opérationnelle. Pour contenir et endiguer la prolifération, nous devons, plus que jamais, accroître notre mobilisation. Mais ne négligeons pas la vertu de l’existant : si le régime actuel de non-prolifération est gravement mis à l’épreuve, il a aussi fait ses preuves.

Le Conseil de sécurité est engagé de longue date dans son renforcement. Il peut compter sur l’appui des organisations internationales capables de vérifier le respect par les Etats de leurs engagements et d’établir la réalité des faits et des responsabilités. Je veux à cette occasion saluer l’action de l’Organisation pour l’nterdiction des Armes Chimiques (OIAC) et de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA).

En outre, le multilatéralisme dans la non-prolifération, c’est aussi, comme ailleurs, le renforcement de la coopération et de l’échange d’informations. Des mécanismes comme les régimes de contrôle des exportations et l’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) participent d’un mouvement vertueux rehaussant notre niveau de vigilance. Nous devons œuvrer à leur renforcement.

Pour conclure, Monsieur le Président, je souhaiterais rappeler une simple vérité. Ce qui est en jeu dans le risque d’affaiblissement du régime de non-prolifération, c’est l’existence même de la norme de droit, au-delà de son autorité et de la nécessité de sanctionner ses violations. Nous devons réaffirmer qu’au-delà des différences politiques contingentes, aussi profondes semblent-elles, il est des règles fondamentales qui ne peuvent être transgressées. La non-prolifération y figure au premier rang car c’est un intérêt commun supérieur pour toutes nos nations.

Le message de la France est simple : la lutte contre la prolifération est une responsabilité collective. Chacun doit y prendre sa part, toute sa part. Il n’y a de place ni pour le constat d’impuissance, ni pour le fatalisme, ni pour l’instrumentalisation politique. Nous pouvons et devons faire davantage. Il en va de notre responsabilité actuelle, de notre crédibilité future et de notre capacité à préserver les futures générations des risques d’érosion, voire d’effondrement de l’architecture de non-prolifération. Soyez assuré, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, du plein engagement de la France dans cet effort.

publié le 25/09/2017

haut de la page